Printemps deus bueus 2025 : Il faut vivre avec son temps... à chacun sa vérité ! (retour sur la novillada de Saint Perdon)
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Réalité relative - photo : Peña Los Pechos© |
"Il faut vivre avec son temps !". Cette phrase je l'ai souvent entendue dans mon enfance. C'est Fernand, mon papi paternel qui la sortait. Lui qui refusait d'aller voir le docteur par peur qu'il lui trouve une maladie, qui se soignait avec du vin sucré et qui appelait les dessins animés du Club Dorothée les "Mickeys" ou les "guignols", était un anachronisme à lui tout seul ! Pourtant, c'était sa punch line préférée. Sensée tuer le game d'une discussion qui le dépassait. Dans sa bouche, comble de la modernité, injonction intemporelle à s'adapter aux évolutions de la société, à les accepter. Qu'on les juge positives ou négatives n'a que peu d'importance. Ici l'essentiel est de souligner qu'il faut s'adapter, coûte que coûte. S'arranger avec la réalité, quitte à la tordre pour mieux l'absorber, continuer à la vivre, à la supporter, à l'avaler.
S'il était encore en vie aujourd'hui, Fernand, il faudrait qu'il vive avec le platisme, les antivax, les complotismes de tout poil, les fake news quotidienne, les populismes en tout genre et le trumpisme. La tauromachie, qui, à l'image de mon papi, s'est toujours appliquée ce poncif, vit avec son temps elle aussi. Un temps fait, pour elle, de remise en question. De sa place, de sa légitimité, de son identité au sein d'une société qui se tourne de plus en lus vers l'uniformité. Sorte de confiscation de la diversité et de ses richesses, pour imposer une standardisation autoritaire et réductrice. Alors pour se rendre plus acceptable et obtenir son billet pour le bal morne de la platitude, elle vit avec son temps. Ce temps où l'on se créée une vérité relative, oscillant entre le mensonge, la fake news, la désinformation et la liberté de croire en ce que l'on veut sous prétexte que ça flatte nos croyances et que ça ne heurte pas nos convictions. Un trumpisme taurin en somme ! Le triomphalisme...
Ainsi, nous aussi nous voulons vivre avec notre temps, et permettre à chacun de croire en la vérité qui remet le moins en cause ses certitudes, fondées ou non, là n'est pas la question. Nous vous proposons donc deux "réalités" de la novillada de Saint Perdon. Chacun, selon ses convictions, ses attentes, son degré de tolérance et son objectivité subjective, choisira l'une plutôt que l'autre, mixera équitablement les deux où fera la "mesclanhe" qui flattera le mieux sa foi. En 2025, vous l'avez compris, la vérité est un concept dépassé, mouvant, qu'il appartient à chacun de se construire pour lui, à son image afin de vivre dans et avec son temps !
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Réalité 1 :
Cid de Maria triomphe à Saint Perdon
Les travées du Plumaçon étaient joliment garnies pour cet après-midi de toros ensoleillés.
Les exemplaires de Condessa de Sobral affichaient une faiblesse omniprésence mais une noblesse qui permit un moment agréable et soutenu.
Sergio Sanchez fut le plus mal servi. Malgré de belles attitudes et une recherche d'esthétisme certaine, Sergio ne put montrer l'étendue de son toreo. Jouant de malchance à l'épée, notamment avec son second novillo qui eut le mauvais goût de prolonger son agonie, le novillero ne put emporter l'engouement d'un public qui n'attendait qu'une étincelle pour s'enflammer.
Cid de Maria fut incontestablement le triomphateur du jour. Construisant ses faenas avec beaucoup de poder et de métier, il sut profiter d'un sorteo favorable pour séduire les aficionados venus en nombre. A son second, le novillero offrit un moment suspendu, en musique, avec des naturelles de très belle facture. Un enchantement de toreria. Deux belles épées en place et engagées firent tomber les récompences : une oreille à son premier et deux oreilles, logiques, à son second.
Pedro Luis fit la démonstration de son courage face à deux adversaires retors qui réussirent à l'accrocher heureusement sans gravité. Pedro accueillit ses adversaires par des porta gayola valeureuses mais ses adversaires ne permirent pas à Pedro de mettre en place son travail. A l'épée, le novillero s'engage et réussit à porter deux estocades en place après pinchazo. Oreille à son premier, silence à son second.
Réalité 2 :
Faiblesse, manque de caste et ce qui ressemble de loin à de la noblesse
Belle entrée au Plumaçon malgré une politique tarifaire un poil prohibitive.
Premier prix à 30€. Un budget tout de même !
Les Condessa de Sobral furent tous décastés, faibles, sans une once de bravoure et allant du noblote au soso perdido. Le torestrella du Portugal n'est pas plus convaincant que l'original...
Sergio Sanchez fut transparant. Affichant un manque d'envie notoire, il préféra se concentrer sur son esthétique, sa verticalité et son immobilité (immobilisme ?). Enchainant les poses pour les photographes il oublia le principal : toréer. Attentiste face à son premier, certes coureur et distrait, il proposa un travail décroisé, hors sitio d'une inconsistance inquiétante. Pas mieux à son second, Sergio resta sur la forme sans fond. Impuissant à l'épée, il entra a matar sans le moindre engagement ce qui entraina des morts longues d'autant qu'il se fit prier pour utiliser le descabello. Un avis à son second, silence de circonstance aux deux.
Cid de Maria a du métier et compte bien en tirer toutes les ficelles. Tremendiste à son premier, ce n'est pas des ficelles qu'il tire mais des cordes. Mais ça porte sur le public qui demande la musique dès la deuxième série. Belle estocade engagée et en place récompensée d'une oreille.
A son second, le moins inintéressant de l'envoi, Cid de Maria nous offre la seule véritable série de naturelles de l'après midi. Encore une estocade engagée et en place qui fait tomber l'oreille avant une seconde que pourtant la présidence semblait vouloir retenir...
Pedro Luis afficha son courage sur deux sorties en porta gayola. Son manque de technique fut à l'origine de plusieurs accrochages dont heureusement il sortit indemne. Sincère à la mort, Pedro put décrocher une oreille à son premier, mais entendit deux avis et le silence à son second.
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Il faut vivre avec son temps... à chacun sa vérité !